Les généalogistes successoraux devant la Loi : un panorama de la profession en 2025
« Les généalogistes sont mal vus du grand public, il faut l'avouer » déclarait Fernand Malézieux dans sa thèse de 1910 (Les Généalogistes devant la Loi). Conventions de Partenariat avec le notariat (depuis 2008), Charte de déontologie (depuis 2013), Médiation de la Consommation (2017), Code d'Ethique (2022), Référent Ethique (2022)... La généalogie successorale s'efforce, depuis une quinzaine d'années, de se doter d'instruments et d'organes visant à normaliser les rapports avec ses clients. Alors que cette profession non réglementée intervient chaque année dans environ 15 000 successions, auprès de quelques 150 000 ayants droit, son modèle économique est régulièrement remis en cause, parfois même au sein de ses propres rangs.
Le droit actuellement en vigueur ainsi que l'évolution de la jurisprudence suscitent l'inquiétude de la profession dans les formes où son activité s'exerce depuis près de 200 ans. Le panorama qui suit entend exposer les principales fragilités juridiques liées à ses pratiques lorsque ses agents se voient confier des missions de recherches d'héritiers par des notaires dans le cadre d'un règlement de succession.
PLAN
I. UN LIEN PARTENARIAL PRIVILÉGIÉ ENTRE GÉNÉALOGISTES ET NOTAIRES
A- Une intervention conditionnée à des recherches minimales préalables du notaire
B- La singulière négation de l'existence d'un lien contractuel interprofessionnel
C- Une recherche rétribuée soumise à une autorisation légale
D- Une exploitation des recherches strictement limitée par la législation sur les données à caractère personnel
II. UNE PHASE CONTRACTUELLE AUX CLAUSES INCERTAINES
A- Une convention régulièrement récusée et à la qualification encore fluctuante
B- Des clauses contractuelles difficilement compatibles avec les dispositions du Code de la consommation
- Une prestation mal délimitée dans son objet et son délai d'exécution
Une clause de révélation fragilisée par les garanties protégeant le consommateur contre des prestations antérieures
C- Un mode de fixation du prix insuffisamment lisible
- Un barème de rémunération peu transparent
Une quote-part englobant des biens et droits sans limite précise
Le risque d'une double facturation d'un même acte authentique
III. UN RECOURS CONTROVERSÉ AU RÉGIME QUASI-CONTRACTUEL
A- Un régime quasi-contractuel depuis longtemps caractérisé par sa nature volontaire, spontanée et utile
- Un régime quasi-contractuel non bouleversé par la réforme de 2016
Des conditions cumulatives difficilement réunies
Une caractérisation de la gestion d'affaires limitée à la seule utilité de l'intervention
B- L'impossibilité d'une rémunération au titre de la gestion d'affaires
- Un revirement jurisprudentiel excluant la rémunération du gérant d'affaire
Le nécessaire exposé détaillé des frais utiles et nécessaires à l'intervention
I. UN LIEN PARTENARIAL PRIVILÉGIÉ ENTRE GÉNÉALOGISTES ET NOTAIRES :
Lorsqu'il contacte un héritier, le généalogiste successoral se dit « mandaté » par un notaire dans le cadre d'une succession ouverte. Or son intervention n'a rien d'automatique et répond préalablement à une obligation minimale de recherche de l’officier ministériel (A) avec lequel se forme indubitablement un lien contractuel interprofessionnel (B), distinct de l'autorisation complémentaire instaurée par une loi de 2006 pour encadrer la recherche d'héritiers (C) dans les limites autorisées par le droit européen sur les données à caractère personnel (D).
I. A- Une intervention conditionnée à des recherches minimales préalables du notaire
En principe, à défaut de testament authentique enregistré au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés (FCDDV) et en l'absence d'ayants droit déclarés, le notaire ne doit recourir à une assistance extérieure « qu’après avoir fait lui-même les investigations propres à l’identification et à la localisation des héritiers » selon une réponse ministérielle (JO du 28 juin 1993, p. 1836). Cette « obligation minimale de recherche » du notaire est parfois rappelée en jurisprudence (CA Lyon, 20 mars 2018, n°16/06313), ceci afin d'« assurer la bonne fin et l'exhaustivité de ses actes ».
La jurisprudence a précisé l'objet de ces investigations élémentaires dans un arrêt CA Poitiers, 29 mai 2018, n°16/03888 : l'officier ministériel qui se limite à réunir « un livret de famille, l'acte de décès, la consultation du FCDDV » ne peut pas prétendre avoir exercé ces « diligences minimales » ; il doit, en outre, chercher à obtenir un extrait de l'acte de naissance du défunt, où figurent certaines mentions marginales (tout événement ayant modifié l'état civil du défunt : mariage, divorce, reconnaissance d'enfant, etc.), afin de s'acquitter de cette obligation statutaire.
Lorsque cette phase préalable de recherches minimales n'a pas abouti, le notaire en charge de la succession a la possibilité de faire appel à un prestataire de services dans le cadre de son activité professionnelle. C'est alors qu'intervient le généalogiste successoral, dont l'activité consiste à retrouver les héritiers inconnus de l'officier ministériel et, le cas échéant, à produire pour ce dernier un tableau généalogique. La Chancellerie conçoit ce recours « comme une utile assistance à l'exécution du service public notarial » (JO du 15 juillet 1996, p. 3871).
I. B- La singulière négation de l'existence d'un lien contractuel interprofessionnel
Dès lors qu'ils acceptent la mission qui leur est proposée par le notaire solliciteur, les généalogistes successoraux s'engagent à exercer leur activité comme un louage de service, l'un des trois louages d'ouvrage et d'industrie mentionnés à l'article 1779 du Code civil, et que l'article 1710 définit clairement comme « un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ».
Cette prestation de services s'effectue ainsi pour l'usage professionnel du notaire demandeur (la recherche de ses clients, à savoir les héritiers successibles), conformément à ses obligations statutaires (le règlement légal, loyal et sérieux de la succession).
Quelle que soit sa forme ou sa qualification (cf. l'article 105 du Code civil), une relation contractuelle s'établit bien en apparence entre les deux partenaires lorsque le généalogiste est missionné. Rien ne semble donc pouvoir déroger à l'obligation de facturation fixée à l'article L441-9 du Code de commerce, posant cette exigence pour « toute prestation de service pour une activité professionnelle », une disposition d'ordre public (article L444-1A du Code de commerce).
Pourtant, de manière très singulière, les deux professions vont appliquer un tout autre cadre juridique, paraissant relever de l'usage ou de la coutume, et qui consiste à faire peser sur un tiers l'ensemble des obligations issues du lien conventionnel initialement formé entre elles. Le principe de l'effet relatif du contrat, désormais codifié à l'article 1199 du Code civil, n'est pas ici pris en compte : les effets issus du contrat de prestation de services conclu entre le notaire et le généalogiste sont alors présumément opposables aux héritiers.
Ainsi, alors même que c'est l'officier ministériel qui bénéficie de l'assistance du généalogiste auquel il a personnellement et directement réclamé une prestation dans son intérêt professionnel, pour la bonne exécution du service public notarial, le coût de l'intervention sera supporté par le ou les héritiers retrouvés.
Par cet artifice juridique, prescrit dans les accords de partenariat signés entre le Conseil Supérieur du notariat et les généalogistes (Conventions du 4 juin 2008, du 19 mai 2015 et du 25 septembre 2024), le prestataire généalogiste va donc devoir rechercher ses débiteurs tout en exécutant gratuitement la mission confiée par l'officier ministériel.
I. C- Une recherche rétribuée soumise à une autorisation légale
Afin de remédier à certaines dérives, le Législateur a souhaité mieux encadrer la recherche d'héritiers dans les successions (hors les cas de vacance ou de déshérence) par une Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, au moyen d'une formalité exigée en son article 36.
Avant le 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur de ce texte, le premier généalogiste ayant identifié les héritiers pouvait estimer légitime de contracter avec eux, "au prix de la course". Or, de telles pratiques empêchaient notamment de garantir une concurrence loyale entre les professionnels de la généalogie.
La loi du 23 juin 2006 tentait ainsi d'imposer un cadre conditionnant la rémunération de tout chercheur d'héritier (y compris donc les généalogistes professionnels), tout en replaçant le notaire au centre des dossiers de succession. En effet, l'article 36 dispose que : « (…) nul ne peut se livrer ou prêter son concours à la recherche d'héritier dans une succession ouverte ou dont un actif a été omis lors du règlement de la succession s'il n'est porteur d'un mandat donné à cette fin. (…) Aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n'est dû aux personnes qui ont entrepris ou se sont prêtées aux opérations susvisées sans avoir été préalablement mandatées ».
Bien que le Législateur de 2006 ait très improprement fait usage du terme « mandat » pour désigner seulement une levée d'interdiction, ce « pseudo-mandat » de l'article 36 autorise donc tout chercheur d'héritiers à entamer des démarches auprès de l'administration en vue d'un accès à la consultation de documents d'état civil non librement communicables. A cet égard, et afin de garantir la sécurité des données à caractère personnel, cette autorisation ne peut être donnée que par toute personne ayant un intérêt à agir, « direct et légitime », en vue de « l'identification des héritiers ou au règlement de la succession », c'est-à-dire le notaire liquidateur dans la grande majorité des cas.
Ce document est nécessairement écrit puisque les services d'archives doivent être en mesure de procéder à certaines vérifications : identification des professionnels, précision de l'objet de la recherche, portée de l'autorisation et de son cadre légal.
Ce texte n'impose en revanche aucune condition contractuelle particulière et ne déroge donc en rien à la Loi générale en matière de prestation de services. Il ne fait que conditionner la recherche d'héritiers à une autorisation écrite sans laquelle tout intervenant extérieur ne pourra revendiquer aucun type de rétribution.
Dans un arrêt CA Paris, 5 décembre 2019, n°18/05455, les juges du fond déboutaient un généalogiste de ses demandes en soutenant que l'article 36 de la loi de 2006 « ne spécifie pas son champ d'application quant au fondement sur lequel le paiement est demandé à l'héritier. Ce texte ne s'applique donc pas seulement au contrat de révélation de succession, mais également dans le cas où le généalogiste sollicite une rémunération et un remboursement de frais sur le fondement de la gestion d'affaires ».
Dans la plupart des cas, la lettre de mission du notaire suffira à valider en même temps cette autorisation à collecter et traiter des données à caractère personnel.
I. D- Une exploitation des recherches strictement limitée par la législation sur les données à caractère personnel
Malgré les inquiétudes formulées dès 2009 par la commission des Archives de France concernant le problème de la réutilisation des données publiques par les généalogistes successoraux (cf. le compte-rendu de la réunion de la Commission des archives notariales du Mardi 7 juillet 2009, p. 4), le service interministériel des Archives de France (SIAF) a souhaité faciliter l'accès de la profession aux documents d'état civil par une série de dérogations (instruction DPACI/RES/2009/012 du 29 mai 2009 ; circulaire France au DGP/SIAF/AACR/2010/006 du 5 juillet 2010 ; décret du 6 mai 2017 relatif à l'état civil, en application de la loi du 18 novembre 2016 ; circulaire du 4 janvier 2023 « relative à la procédure d'accès aux actes et registres de l'état civil datant de moins de soixante-quinze ans par les généalogistes professionnels »).
Depuis 2016, le président de l'organisation professionnelle Généalogistes de France est même devenu membre du Conseil supérieur des archives en tant que "personnalité qualifiée" nommée pour 3 ans.
La question de l'exploitation commerciale des données à caractère personnel n'a cependant pas été totalement clarifiée, et ce d'autant plus qu'un rapport de 2015 de la CNIL, relatif à un « cadre "Informatique et libertés" pour les généalogistes professionnels » pointait plusieurs manquements des généalogistes successoraux à la loi « Informatique et Libertés » (cf. la Communication de Philippe Lemoine présentée en séance plénière le 9 juillet 2015, p. 7).
Entrée en vigueur en 1978, puis intégrée au droit européen par l'intermédiaire du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) de mai 2018, cette loi conçoit la donnée personnelle comme une information permettant l'identification d'une personne physique. En tant qu'attribut de la personnalité, il ne s'agit pas d'un bien librement échangeable de sorte que toute société commerciale, ayant pour activité la collecte et la conservation de données à caractère personnel issues des archives publiques, ne peut prétendre en être propriétaire.
A cet égard, les généalogistes échouent systématiquement à convaincre les juges d'un prétendu droit de propriété intellectuelle sur leurs bases de données généalogiques, au regard des articles L 112-3, L. 341 et suivants du Code de la propriété intellectuelle (voir notamment les arrêts CA Versailles, 31 mai 2018, N°16/06023 ; CA Paris, 5 décembre 2019, N°18/05455 ; CA Paris, 30 juin 2022, N°19/20271 ; CA Toulouse, 13 décembre 2023, N°22/01336)
Le droit des données à caractère personnel oppose donc à priori de sérieux obstacles à l'activité de généalogiste successoral.
Il ressort en effet du 2° de l’article 4 de la loi Informatique et Libertés que le traitement des données personnelles est soumis au principe de finalité. Les finalités de la collecte de données personnelles doivent par conséquent être établies de manière précise et intelligible par le responsable du traitement. A contrario, cela exclut toutes finalités vagues, imprécises ou inexistantes. Ce texte exige ainsi que les données personnelles soient « collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes », et surtout que ces données ne soient « pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ».
Qu'en est-il alors d'un généalogiste sous-traitant qui collecte des données personnelles dont la seule finalité consiste à retrouver des héritiers, sur demande et après autorisation du notaire responsable du traitement, puis réutilise ces informations à des fins purement commerciales (notamment en vue d'en tirer une rémunération) ? La jurisprudence demeure pour le moment silencieuse à cet égard.
Le considérant 63 du RGPD souligne par ailleurs que « toute personne concernée devrait avoir le droit de connaître et de se faire communiquer, en particulier, les finalités du traitement des données à caractère personnel ». En tout état de cause, l'article 105 de la Loi Informatique et Libertés et l'article 15 du RGPD permettent à toute personne dont les données sont collectées d'interroger le responsable du traitement pour obtenir notamment « des informations relatives aux finalités du traitement ». Il s'agit là de l'exercice d'un droit personnel qui n'exige aucune motivation préalable. Ce droit d'accès aux données de la personne concernée impose donc au généalogiste successoral (sous-traitant en vertu de l'article l'article 4, 8°, du RGPD) de communiquer aux héritiers demandeur non seulement l'origine de la succession concernée mais également l'identité du notaire liquidateur (responsable du traitement en vertu de l'article 4, 7°, du RGPD). Toute dissimulation pouvant dès lors constituer une faute.
Il s'agit par conséquent d'informations obligatoirement transmises, à fortiori gratuitement, sur simple demande, que la convention de révélation de succession entend pourtant monnayer.
II. UNE PHASE CONTRACTUELLE AUX CLAUSES INCERTAINES
Le contrat d'entreprise conclu initialement entre le notaire et le généalogiste n'aboutissant à aucune facture ni à aucun accord sur le prix, les deux partenaires professionnels reportent la question du coût de la prestation sur les héritiers retrouvés. Le calcul de cette rémunération sera généralement fixé par le généalogiste dans un contrat dit « de révélation de succession » (ou « contrat de justification de droits », ou « contrat de vérification successorale ») dont la nature commutative semble plus ou moins admise dans les contentieux (A), mais dont les clauses encadrées par le Code de la consommation ne sont pas dénuées d'incertitudes juridiques (B), en particulier sur les questions de la fixation du prix de la prestation (C).
II. A- Une convention régulièrement récusée et à la qualification encore fluctuante
Longtemps présenté, à tort, comme un contrat sui generis, le contrat du généalogiste est assimilable à un contrat consensuel, synallagmatique et à titre onéreux, soumis aux dispositions du Code de la consommation, depuis un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 30 Octobre 1996 (n°95-83541) à l'occasion duquel il a bien été jugé que les dispositions sur le démarchage s'appliquent à ce type de contrat (cf. Denis Lochouarn, « L'évolution juridique de la convention de révélation de succession : le point sur deux revirements récents », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 1, 8 Janvier 1999, p. 20).
La jurisprudence a dès lors unanimement admis la nature commutative de cette convention et en rejette désormais tout caractère aléatoire en l'absence de l'événement incertain exigé à l'article 1108 du Code civil, bien que la question soit parfois encore discutée (voir notamment : CA Paris, 7 mai 2019, n°17/04757 ; CA Nancy, 5 septembre 2022, n°21/01769 ; CA Agen, 4 septembre 2024, n°23/00668).
Ces revirements ont ainsi ouvert à l'héritier « consommateur » de nouvelles voies de droit qui auparavant se limitaient principalement à soulever l'absence de cause du contrat (absence de contenu selon les termes de l’article 1128 du Code civil). Le contentieux s'est ainsi étoffé d'une importante jurisprudence autour de la réduction judiciaire de la rémunération du généalogiste (voir par exemple CA Nancy, 11 juin 2019, n°18/00620 ; CA Paris, 30 juin 2022, n°19/20271), autour de la conformité à un formalisme strict (notamment la présence matérielle d'un coupon de rétractation, voir CA Chambéry, 26 avril 2016, n°13/01088 ; CA Montpellier, 4 janvier 2017, n°14/05317), mais aussi autour de l’irrégularité de certaines clauses contractuelles.
Quels que soient les motifs de dénonciation de son contrat, le généalogiste successoral entendra recouvrir sa créance par voie amiable ou par voie judiciaire, y compris en usant de l'instrument de la saisie conservatoire (articles L521-1 et suivants du Code de procédure civile d'exécution) entre les mains du notaire liquidateur, ceci afin de bloquer la part d'actifs nets à laquelle il prétend, avant même tout jugement sur le fond. Une telle mesure apparaissant d'autant moins fondée qu'elle conduit certaines juridictions à évacuer un peu vite la question des obligations contractuelles, légales et réglementaires incombant aux notaires (voir CA Caen, 15 septembre 2020, n°20/00054).
Enfin, un mandat de représentation est généralement proposé à l'héritier à la suite de la signature du contrat de révélation, mais ses effets ne sont pas sans danger pour les deux parties. Récusable à tout moment par le mandant, cette procuration donne pouvoir au mandataire généalogiste de recueillir et de liquider la succession au nom et pour le compte de l'héritier consentant. C'est au moyen de cette procuration, et avec l'aval du notariat, que les généalogistes se font transférer l'intégralité des fonds de la succession sur leur propre compte de société (ou sur un compte de la Caisse des Dépôts et consignations). En cas de liquidation judiciaire, et en l'absence de tout compte séparé recevant les fonds destinés aux héritiers, ces derniers peuvent se retrouver dépossédés de l'ensemble de leurs biens comme l'ont révélé les scandales retentissants de 2017 impliquant la faillite de plusieurs sociétés de généalogie.
II. B- Des clauses contractuelles difficilement compatibles avec les dispositions du Code de la consommation
Le contrat de révélation de succession entend régulariser une prestation future assez indéterminée (1) alors que certaines opérations accessoires, essentielles à l'exécution de la convention, ont déjà été réalisés au moment de la signature (2).
II. B- 1) Une prestation mal délimitée dans son objet et son délai d'exécution
L'article L 111-1 du Code de la Consommation prévoit que le professionnel communique de « manière lisible et compréhensible » au consommateur, avant que celui-ci ne soit lié par le contrat de prestation, plusieurs informations obligatoires dont les caractéristiques essentielles du service, la date et le délai d'exécution de ce service ou encore son prix.
L'entrée en matière du contrat de révélation peut donc s'avérer problématique pour l'héritier sollicité. En effet, le généalogiste lui propose de se lier contractuellement pour une prestation en partie déjà réalisée puisque ce dernier reconnaît avoir entrepris des recherches permettant de lui révéler des droits dans la succession. L'héritier démarché, s'il accepte de contracter, doit dès lors déclarer tout ignorer de la succession concernée, quand bien même celui-ci peut théoriquement être saisi de biens dans plusieurs successions ouvertes simultanément (donc s'engager par confusion).
Cet aveu de non-connaissance, d'apparence anodin, est en réalité central pour le généalogiste : il lui permet de justifier par écrit l'utilité de son intervention. De fait, en cas de litige, cette déclaration d'ignorance sera mise en parallèle avec la date de la première prise de contact de l'héritier avec le notaire liquidateur ; la date de la signature du « contrat de révélation » fournissant ainsi la preuve matérielle de l'antériorité de la « révélation » du généalogiste, et donc de l'utilité présumée de sa prestation dans la « reconnaissance des droits » de l'héritier, ce que les juges se contenteront de constater dans le cadre d'une action en absence de cause.
Pour autant, le contrat du généalogiste n'apporte aucun détail sur les opérations déjà réalisées ni sur aucune prestation future autre que la promesse d'une « révélation » successorale. Le professionnel ne justifie alors généralement d'aucune démarche ou diligence accomplies puisqu'il ne produit aucune pièce de type "tableau de travail", ce qu'il serait pourtant en mesure de faire (voir par exemple CA Paris, 16 février 2023, n°19/23043). Le généalogiste démarcheur ne prend d'ailleurs pas non plus la peine d'accompagner son contrat d'une copie de l'autorisation écrite (le « pseudo-mandat ») exigée à l'article 36 de la loi de 2006, instrument pourtant indispensable au professionnel pour revendiquer toute rémunération ou indemnisation (voir I-C).
S'agissant de l'exécution dans le temps de la prestation du généalogiste, l'engagement n'apparaît pas moins flou. Certains professionnels semblent parfois garantir dans leur convention un délai d'exécution de plusieurs mois suivant la découverte du dernier héritier, ce qui ne répond en rien aux exigences de lisibilité et de compréhensibilité du Code de la consommation puisque l'héritier cocontractant n'a aucun moyen d'évaluer le sérieux de ce délai de découverte du dernier héritier.
D'ailleurs, un usage des services fiscaux laisse une grande marge de manœuvre au généalogiste quant aux délais fixés à l'article 641 du Code générale des impôts pour l'enregistrement des déclarations de successions (6 mois pour la France métropolitaine, 12 mois pour les autres cas), puisque l'administration admet qu'en l'absence d'héritier identifié à l'ouverture de la succession, « le délai imparti aux successibles ne commence à courir que du jour de la révélation qui leur a été faite de l'ouverture de la succession » (JO du 21 novembre 1994, p. 5766).
En outre, le généalogiste qui sollicite trop précipitamment un héritier peut se voir reprocher (voir CA Grenoble, 23 Janvier 1991, n°90/1302) de contrevenir à son droit de réflexion en le contraignant à opter en deçà du délai légal (de quatre mois suivant l'ouverture de la succession) prévu à l'article 771 du Code civil (article 795 ancien).
L'héritier démarché doit ainsi s'engager dans un contrat qui souffre, de son point de vue, de contours très flous, pour obtenir la divulgation d'un prétendu secret dont il est censé déclarer tout ignorer, même s'il s'avère postérieurement qu'il n'en ignorait rien (voir CA Paris, 11 septembre 2019, n°18/01136).
II. B- 2) Une clause de révélation fragilisée par les garanties protégeant le consommateur contre des prestations antérieures
Depuis l'arrêt de la chambre criminelle du 30 octobre 1996, le contrat de révélation de succession doit se conformer aux obligations relatives aux contrats conclus hors établissement (anciennement « démarchage à domicile ») ou à distance (lorsque le professionnel et un consommateur concluent un contrat sans leur présence physique simultanée), en vertu des articles L221-1 et suivants du Code de la consommation.
Du fait de sa singularité, dans quelles mesures la clause de révélation, objet principal du contrat du généalogiste, se conforme-t-elle au Code de la consommation ?
Car un premier obstacle est à surmonter pour le professionnel : au regard de l'article L221-10 du Code de la consommation, relatif aux contrats conclus hors établissement, le généalogiste qui démarche l'héritier directement à son domicile ne peut pas avoir effectué ses prestations avant l'expiration d'un délai de réflexion de sept jours après la conclusion du contrat.
Par ailleurs, les articles L221-25 et L221-28 dudit code précisent que l'exécution d'une prestation de services avant le terme du délai de rétractation ne peut se faire qu'avec l' « accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ».
Ce qui signifie, a contrario, qu'aucune prestation de services ne peut être effectuée par le professionnel avant le terme du délai de 7 jours suivant l'accord contractuel hors établissement, et seulement avec le consentement exprès du cocontractant au cours de la période de 14 jours suivant la conclusion du contrat.
En tout état de cause, une prestation de services ne peut donc jamais être effectuée avant la conclusion d'un contrat.
Le généalogiste démarcheur doit donc prendre garde à cette difficulté puisque la « révélation » des droits de l'héritier, qu'il s'engage à effectuer postérieurement à la conclusion de son contrat, n'est pas détachable des recherches généalogiques précédemment effectuées pour établir et justifier la reconnaissance de ces droits successoraux, ceci constituant l'accessoire de l'objet principal du contrat (comme le souligne l'arrêt CA Paris, 11 septembre 2019, n°18/01136). De fait, sans ces opérations préalables de traitement de données à caractère personnel, effectuées à ses risques et périls, le professionnel de la généalogie ne serait ni en mesure de proposer une prestation immatérielle consistant à révéler une information confidentielle au consommateur démarché, ni à assister le notaire à l'établissement de la dévolution successorale.
Ainsi, en cas de prestation déjà réalisée avant tout démarchage à domicile, le professionnel de la généalogie s'expose à ne recevoir aucun paiement ni aucune contrepartie en vertu de l'article L221-10 du Code de la consommation.
Toutefois, les généalogistes successoraux évitent autant que possible ce mode de contractualisation par démarchage à domicile, et privilégient généralement un démarchage à distance (article L221-11 du Code de la consommation) ou un démarchage téléphonique (article L221-16 du Code de la consommation), aux dispositions moins contraignantes en apparence.
Le généalogiste successoral n'est cependant pas à l'abri d'une déconvenue si la conclusion du contrat après démarchage épistolaire ou téléphonique a été précédée d'une visite à domicile : l'ensemble de l'opération peut être alors assimilée, par extension, à un contrat conclu hors établissement (cf. Guy Raymond, « Les généalogistes sont de retour ! », Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2001, comm. 51).
II. C- Un mode de fixation du prix insuffisamment lisible
Au cœur du litige avec les héritiers, la question de la rémunération du généalogiste soulève de grandes difficultés de par le manque de transparence de son mode de calcul (1), de par l'absence de plafonnement des coûts et l'étendue des droits revendiqués (2), aboutissant en fin de compte à une double facturation de l'acte de notoriété (3).
II. C- 1) Un barème de rémunération peu transparent
En engageant financièrement les ayants droit sur un partage de leur héritage, les généalogistes successoraux s'abstiennent de proposer un prix forfaitaire de leur prestation.
Depuis quelques années, ceux-ci privilégient la présentation d'un tableau des taux d'honoraires (insérant des quotes-parts comprises entre 25% et 45 % de l'actif) fixant un barème de rémunérations dont le montant croît en fonction du degré de parenté (d'abord les héritiers en ligne directe et le conjoint, puis les collatéraux privilégiés, et enfin, pêle-mêle, les collatéraux ordinaires, les éventuels légataires et autres bénéficiaires de contrats d'assurance-vie...), mais aussi en fonction de l’actif net revenant à l'héritier (sous la forme de fourchettes de valeurs, par exemple « de 1 à 75 000 € » et « au-dessus de 75 000 € »).
Aucun frais réellement engagé n'est donc détaillé ni chiffré alors que, par définition, l'intégralité des dépenses (taux horaire moyen du travail de recherche, frais de déplacements, frais d'interrogation des fichiers, affranchissements, etc.) a nécessairement été effectuée au moment du démarchage.
Ce barème est censé prémunir le généalogiste de tout reproche d'abus. En effet, la recommandation N°96-03 de la Commission des clauses abusives du 20 septembre 1996 invitait les généalogistes à éliminer les clauses ayant pour objet « de laisser penser au consommateur que les bases de calcul de la rémunération du généalogiste sont impérativement fixées par la loi ou par une autorité et ne sauraient faire l’objet d’une libre négociation ». En effet, bien que les héritiers démarchés l'ignorent souvent, la rémunération du généalogiste est toujours négociable.
Néanmoins, ce mode de calcul de la rémunération, non forfaitaire, et fondé uniquement sur la quote-part de l'actif net revenant à l'héritier en fonction de son degré de parenté avec le défunt, ne permet pas suffisamment au consommateur de mettre en rapport les honoraires du généalogiste avec la nature des prestations déjà réalisées.
Les pourcentages invoqués ne correspondent à aucune référence concrète ou chiffrée, et les fourchettes envisagées peuvent être très variables et établies discrétionnairement.
Conformément au principe de liberté contractuelle, l'héritier démarché peut bien évidemment rejeter ce barème non officiel et proposer une négociation de la rémunération du généalogiste selon des critères objectifs. En cas d'absence d'accord sur le prix, le professionnel n'a en théorie aucun moyen d'imposer les effets d'un contrat non consenti (voir toutefois la question soulevée dans la section III).
Par ailleurs, dans la pratique, au moment où il démarche l'héritier, le généalogiste connaît déjà le degré de parenté de son potentiel cocontractant, et donc le pourcentage correspondant qui va s'appliquer.
En outre, le généalogiste a une connaissance précise (ou au moins approximative) des éléments d’actif et de passif de la succession par l'intermédiaire de la lettre de missionnement du notaire (dont la convention de partenariat de 2024 propose un modèle type), informations dont on pourrait supposer en principe qu'elles sont protégées par le secret professionnel notarial « général et absolu » (article 8 du Décret n° 2023-1297 du 28 décembre 2023 relatif au Code de déontologie des notaires).
Ces détails sur la consistance de la succession apparaissent d'ailleurs inutiles au généalogiste pour l'exécution de sa prestation, celle-ci consistant uniquement à rechercher des héritiers.
Le professionnel de la généalogie a ainsi une idée assez exacte de la fourchette d'actifs nets à partir de laquelle son barème va appliquer le pourcentage à prélever, tout en laissant son cocontractant dans l'ignorance de cette information essentielle à la manifestation d'un consentement libre et éclairé. Bien que rarement invoquée dans la jurisprudence, une telle omission, envisagée dans les dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses de l'article L121-3 du Code de la consommation, expose le généalogiste aux risques de sanctions énoncées aux articles L131-1 et suivants du Code de la consommation.
Notons à cet égard que l'omission trompeuse définie dans le cadre des relations entre professionnels et consommateurs, est sanctionnable avant même la conclusion d'un contrat, et est donc à distinguer de la réticence dolosive, consacrée à l'article 1137 du Code civil, et qui est soumise au régime de droit commun des vices du consentement.
II. C- 2) Une quote-part englobant des biens et droits sans limite précise
Les contrats des généalogistes stipulent que le pourcentage perçu par le généalogiste s'applique sur la part revenant à l'héritier sans aucun plafonnement, et quelle qu'en soit la nature ou l'origine.
Autrement dit, rien n'est prévu contractuellement pour limiter qualitativement et quantitativement les honoraires du professionnel.
Ainsi les pourcentages indiqués dans le barème peuvent prévoir d'inclure dans la rémunération du généalogiste les legs (CA Montpellier, 4 janvier 2017, n°14/05317) et surtout les capitaux des contrats d'assurance-vie souscrits par le défunt en faveur de ses bénéficiaires (CA Paris, 22 août 2024, n°21/10105).
Ceci n'est pourtant ni conforme à la dénomination du contrat, puisqu'il est dit de « révélation de succession », ni à la nature des contrats d'assurances-vie qui sont en principe indemnisés hors succession (article L132-13 Code des assurances), les compagnies d'assurance étant d'ailleurs soumises à des obligations très strictes pour retrouver les bénéficiaires (article L132-8, in fine, du Code des assurances).
La jurisprudence demeure pourtant partagée sur cette question, suscitant ainsi une grande insécurité juridique, face à des rémunérations qui peuvent s'avérer parfois exorbitantes (voir par exemple les arguments contradictoires exposés dans les arrêts CA Paris, 22 janvier 2020, n°18/09930 et CA Paris, 30 juin 2022, n°19/20271).
En tout état de cause, quel que soit le travail effectué par le généalogiste, ce sont moins les difficultés rencontrées lors de ses recherches (l'éloignement géographique, par exemple) que la nature des biens et droits saisis de plein droit par les héritiers, qui permettent de déterminer le prix de sa prestation.
Une facturation ainsi établie en fonction de l'actif net revenant à l'héritier ne peut pas être proportionnée au service rendu dès lors que les abattements fiscaux dont peut bénéficier individuellement chaque héritier varient assez distinctement.
On a ainsi l'exemple d'une décision récente (TJ Nanterre, Chambre civile 6, 28 février 2020, n°16/11611) dans laquelle une héritière handicapée se voyait condamnée à rémunérer le généalogiste à hauteur d'un montant représentant plus du double de celui versé par les autres héritiers assignés en paiement. De sorte que, par cette déduction fiscale liée à la situation de handicap de son cocontractant, donc sans aucune raison liée à sa prestation réelle, le professionnel de la généalogie obtenait par ricochet une meilleure rémunération.
En sus de la rémunération calculée sur la valeur de l'actif net revenant à l'héritier, le généalogiste prévoit parfois de prélever sur cette quote-part un montant supplémentaire, au titre de « frais de dossier » ou de « frais de recherche » (au coût pouvant atteindre plusieurs centaines d'euros). Or, une telle clause, mettant à la charge de l'héritier des frais non déterminés dans leur objet, peut être jugée abusive et réputée non écrite, notamment à l'appui de la recommandation n°96-03 du 20 septembre 1996 (CA Paris, 5 décembre 2019, n°18/05455).
Néanmoins, irrégulier ou non, le montant de ces frais peut sembler plus proche du coût d'un acte de notoriété dressé par un notaire avec ou sans l'assistance d'un généalogiste.
II. C- 3) Le risque d'une double facturation d'un même acte authentique
Selon l'article 724 du Code civil : « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ».
Cette saisine de plein droit de l'héritage suppose nécessairement que l'ayant droit, qu'il en ait conscience ou non, est automatiquement désigné comme héritier du de cujus, indépendamment de l'intervention d'un tiers extérieur à la succession. La prestation du généalogiste ne peut donc prétendre inventer la qualité d'héritier des consommateurs démarchés puisque ceux-ci doivent obligatoirement en être informés à un moment ou à un autre.
En effet, le notaire engagerait sa responsabilité s'il venait à oublier un héritier de la succession (Cass. Civ1, 25 mars 2009, 07-20.774) à plus forte raison lorsqu'il a missionné un généalogiste afin d'éviter un tel manquement.
Affirmer que seules les investigations du généalogiste ont permis à un héritier de percevoir sa part d'actif (voir CA Nancy, 21 novembre 2022, n°21/02385) revient donc à remettre en cause les principes régissant le droit successoral français.
L’officier ministériel est d'ailleurs seul habilité par la Loi à dresser un acte de notoriété (article 730-1 du Code civil) établissant de façon authentique la dévolution successorale à la demande, effective ou potentielle, des héritiers. Le rôle du généalogiste sous-traitant se limitant ainsi à certifier ou attester cette liste des ayants droit susceptibles de se répartir le patrimoine du défunt en fonction de leurs liens de filiation et de l’ordre successoral.
De ce fait, lorsque le généalogiste intervient à un acte de notoriété, sa prestation est soumise à une obligation de résultat engageant non seulement la responsabilité du notaire mais aussi la sienne (CA Paris, 11 Décembre 2015, n°14/13013).
En tout état de cause, l'acte de notoriété n'a aucun caractère obligatoire puisque la preuve de la qualité d'héritier est libre (Article 730 du Code civil) et il ne lie aucunement les héritiers qui ne souhaitent pas y consentir. Il est cependant perçu par les notaires comme une garantie de sécurité juridique.
L'article 730-1 du Code civil précise, en son alinéa 4, que le notaire a bien à communiquer avec les héritiers identifiés et d'ailleurs avec « Toute personne dont les dires paraîtraient utiles », ce qui inclut naturellement le généalogiste, à fortiori lorsque ce dernier a été initialement missionné sur son initiative (voir CA Poitiers, 16 janvier 2018, n°16/02909).
Le coût de cet acte de notoriété correspond à un émolument fixé par arrêté dans le cadre des tarifs des notaires (article A444-66 du Code de commerce) et à divers droits d'enregistrement. Il est donc versé au passif de la succession et est supporté par les héritiers demandeurs.
Le contrat du généalogiste successoral ne peut donc consister à rémunérer la certification ou l'attestation de l'acte de notoriété puisque, le cas échéant, il s'agirait d'imposer une double facturation pour un même acte : une fois par le notaire (environ 200 € TTC) et une autre fois par le généalogiste par appropriation d'une quote part de l'actif net revenant aux héritiers.
Certes la jurisprudence estime généralement que l'intervention du généalogiste permet de déterminer « la quotité de la vocation successorale (…) et l'établissement de l'acte de notoriété » (CA Nancy, 21 novembre 2022, n°21/02385) mais avec cet inconvénient de ne jamais relever que la participation de deux professionnels à ce même acte authentique aboutit à deux coûts distincts facturés aux héritiers.
Outre ces difficultés concernant le mode de fixation de sa rémunération, le généalogiste peut également voir se dresser un autre obstacle en l'article L121-12 du Code de la consommation qui assimile à une pratique commerciale interdite le fait pour un professionnel « d'exiger le paiement immédiat ou différé (…) de services fournis (…) sans que ceux-ci aient fait l'objet d'une commande préalable du consommateur ». Tout contrat forcé étant implacablement frappé de nullité (article L132-16 du Code de la consommation).
Ainsi, la liberté contractuelle assure aux héritiers démarchés le droit de ne pas contracter avec le généalogiste.
En pratique, les généalogistes successoraux parviennent à déroger en partie à ce principe en soutenant que l'institution du quasi-contrat peut aussi consister à « quasiment contracter ».
III. UN RECOURS CONTROVERSÉ AU RÉGIME QUASI-CONTRACTUEL
Face au refus de signer le contrat de révélation de succession exprimé par les héritiers démarchés, le généalogiste successoral estime pouvoir invoquer le régime quasi-contractuel à l'appui de ses prétentions. Depuis l'impasse jurisprudentielle de l'action de in rem verso (voir notamment les arrêts Cass. Civ. 1, 28 mai 1991, n°89-20.258 ; CA Paris, 19 mars 1998, n°96/16922 ; CA Orléans, 12 septembre 2005, n°04/02042), c'est avec la gestion d'affaires que la profession entend désormais pallier l'échec de la phase contractuelle. Après un quart de siècle, la jurisprudence semble encore en partie lui donner raison malgré les incompatibilités de son activité avec les exigences énoncées par la Loi, tant du point des conditions (A) que des effets du régime des quasi-contrats (B).
III. A- Un régime quasi-contractuel depuis longtemps caractérisé par sa nature volontaire, spontanée et utile
Alors que le régime des quasi-contrats demeure foncièrement inchangé (1), et que les exigences de la Loi imposent qu'une gestion d'affaires soit consciente, volontaire et spontanée (2), la jurisprudence se limite encore au seul critère de l'utilité de l'intervention du généalogiste (3).
III. A- 1) Un régime quasi-contractuel non bouleversé par la réforme de 2016
L'article 1300 du Code civil, consacré à la famille des quasi-contrats, dispose que ceux-ci « sont des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui (...) ».
Bien que l'expression « purement volontaire », reprise de l'ancien article 1371 du Code civil, puisse prêter à confusion, il ne naît pas de rapport de droit entre les parties dans un quasi-contrat. Bertrand Fages énonce à cet égard que « même s'ils sont qualifiés par le Code civil de "purement volontaires", les faits quasi contractuels n'expriment de la part de leur auteur aucune volonté de se lier. S'ils produisent des obligations, c'est uniquement parce que la loi en a décidé ainsi » (Droit des obligations, LGDJ, 2017).
L'article 1301 du Code civil, relatif à la gestion d'affaires -l'une des trois formes de quasi-contrat expressément mentionnées par la Loi-, rappelle que le gérant d'affaire est « Celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire (...) ».
Ce texte remplace l'ancien article 1372 qui se contentait d'insister sur le caractère volontaire de l'intervention du gérant (« lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui (...) »), ce dernier ne répondant ainsi à aucun ordre préalable ni à aucune obligation quelconque et agissant alors de son plein gré et parfois même dans l'urgence.
Selon Philippe Le Tourneau, ce fait juridique consiste donc à « s’immiscer spontanément et opportunément dans les affaires d’une autre personne, dans une vue désintéressée, pour lui rendre service. Le critère est de restituer un avantage immérité (…) » (L'éthique des affaires et du management au XXIème siècle, Dunod, 2000/2016).
Plus précisément, « La gestion d'affaires implique la spontanéité de l'intervention du gérant, qui se lance dans l'action de son propre chef, sans être missionné ou être tenu d'aucune manière. Tel est le principe, aujourd'hui mentionné dans la description légale de la gestion d'affaires par l'incise ''sans y être tenu'' » (Répertoire de droit civil, Dalloz, 2018-2019).
L'institution de la gestion d'affaires est ainsi marquée par l'intention altruiste de personnes juridiquement indépendantes, et par l'existence d'obligations non créées par une quelconque rencontre de consentements mais seulement par la volonté expresse du Législateur.
Un généalogiste successoral invoquant l'institution de la gestion d'affaires dans le cadre de son activité professionnel s'expose dès lors nécessairement à une première difficulté.
En effet, un contrat de révélation de succession ayant été initialement proposé, le généalogiste a donc d'abord cherché à produire des effets de droits. Ceci est d'ailleurs confirmé par le fait que le professionnel de la généalogie réclame toujours aux héritiers une rémunération, et non un remboursement de ses frais et débours comme le prévoit uniquement l'article 1301-2 du Code civil (et comme c'était le cas également dans l'article 1375 ancien).
Or, « Gérer les affaires d'autrui ne doit pas être un moyen de quasiment contracter avec lui » comme le formule Grégoire Loiseau (La Semaine Juridique Edition Générale n° 27, 8 Juillet 2019, doctr. 749).
Puisque les quasi-contrats (« faits purement volontaires », en vertu de l'article 1300 du Code civil) sont des faits juridiques qui n'expriment aucune volonté de se lier, ils sont à l'origine d'effets de droit qui n'ont pas été voulus.
Le généalogiste s'autorise donc à agir sur le terrain contractuel puis, à défaut d'accord de volontés, à substituer son action sur le terrain quasi-contractuel, ce qui revient à faire de la gestion d'affaires, institution visant à priori à assurer l'équité entre les parties, un instrument pour « imposer un contrat qu'une partie n'a pas accepté » selon l'expression d'Estelle Naudin (Droit de la famille n° 10, Octobre 2006, étude 41).
En d'autres termes, la gestion d'affaires ne formerait ici qu'un instrument pour corriger l'échec de la conclusion d'un contrat, ce qui peut conduire à des interprétations contestables jusque sur le terrain de la prescription biennale (voir Cass., civ. 1, 9 juin 2017, n°16-21.247, commenté par Lionel Andreu, « La prescription de l’action quasi-contractuelle pour cause de gestion d’affaires », Petites Affiches, Lextenso, 2 mai 2018).
Pourtant, la gestion d'affaires nécessite un certains nombre de conditions cumulatives sans lesquelles elle ne peut être légitimement caractérisée, ce qui génère une autre difficulté pour le généalogiste.
III. A- 2) Des conditions cumulatives difficilement réunies
Un gérant d'affaire étant, selon les termes de l'article 1301 du Code civil, « Celui qui, sans y être tenu, gère sciemment (...) l'affaire d'autrui (...) » il découle du caractère « purement volontaire » de son intervention plusieurs conséquences.
Tout d'abord, gérer une affaire « sans y être tenu » signifie que le gérant doit gérer consciemment l'affaire d'autrui puisque l'idée fondamentale dans la gestion d'affaires est l'intention altruiste (totale ou partielle). Ce qui, le cas échéant, n'interdit pas le gérant de poursuivre, en même temps que les affaires du maître de l'affaire, ses propres affaires.
Ensuite, gérer une affaire « sans y être tenu » signifie aussi que le gérant intervient dans les affaires d'autrui en toute connaissance de cause : il doit les gérer « sciemment » (le terme apparaît expressément à l'article 1301 du Code civil) et non, par hasard, involontairement, à l'occasion du traitement de ses propres affaires.
Gérer une affaire « sans y être tenu » implique surtout que le gérant effectue spontanément son action : son obligation naît donc d'une initiative indépendante et non d'une intervention commandée.
De ce fait, il ne faut pas que l'intervention du gérant s'explique par l'exécution d'une obligation envers le maître de l'affaire, que l'obligation soit d'origine légale ou contractuelle.
- La loi l'oblige à agir : dans l'arrêt CA Paris, 16 mai 2018, n°16/16682, les juges du fond considèrent que la mission du généalogiste consiste à assister le notaire dans l'exécution d'une obligation légale, celle de produire un acte de notoriété, et, plus généralement, d'assister l'officier ministériel au règlement de la succession.
- Un contrat l'oblige à agir : celui formé lors du missionnement du généalogiste par le notaire en vue de rechercher pour lui ses clients héritiers. Une action qui, au demeurant, depuis la loi du 23 juin 2006 (voir I. C), peut difficilement se prévaloir d'un caractère volontaire ou spontanée dans la mesure où un généalogiste doit, en vertu de l'article 36 de ladite loi, « être porteur d'un mandat ».
Dès lors, et cela constitue une deuxième difficulté pour la profession, comment conclure au caractère « spontané » de l'intervention d'un généalogiste dans une succession, dans la mesure où cette intervention est consécutive à un missionnement notarial ?
Si l'article 1301 du Code civil indique que le gérant d'affaire intervient « sans y être tenu », le généalogiste, intervenant dans une succession à la demande d'un notaire, peut difficilement se fonder sur le régime de la gestion d'affaires, ayant été tenu de retrouver des héritiers de façon à ce que l'officier ministériel puisse faire reconnaître les droits de ces derniers dans la succession.
Ainsi intervenu à la demande et dans l'intérêt professionnel du notaire, le généalogiste ne peut se prévaloir d'une intervention « volontaire » selon les termes de l'ancien article 1372, « sans y être tenu » selon les termes de l'article 1301 du Code civil, quelle que soit l'utilité de sa démarche.
Les héritiers sembleraient donc fondés à invoquer l'existence de ces deux obligations de nature légale et contractuelle afin de faire rejeter tout recours à l’institution de la gestion d'affaires par le généalogiste.
Ainsi, le premier critère à respecter en matière de quasi-contrat est celui du caractère volontaire de l'intervention, ce qui implique que la gestion d'affaires soit à la fois effectuée consciemment (de par son intention altruiste), sciemment (et non involontairement ou par hasard) et surtout spontanément (« sans y être tenu »), indépendamment d'une obligation de nature contractuelle, réglementaire ou légale.
Naturellement, cette exigence légale de spontanéité concerne uniquement l'immixtion du gérant dans l'affaire d'autrui et non le caractère spontané que peut revêtir l'action du gérant du point de vue du maître de l'affaire. Par conséquent, il importe peu que l'intervention du généalogiste garde un caractère spontané aux yeux des héritiers dès lors que le professionnel a agi sous le missionnement d'un notaire, donc non spontanément. Le cas échéant, il s'agirait d'une déformation de l'institution de la gestion d'affaires comme le fait remarquer Cécile Bonneman dans son analyse de l'arrêt CA Rennes, 6 janvier 1998, n°96-04694 (Revue juridique de l'Ouest, 1999-2. pp. 263-280).
Par ailleurs, une troisième difficulté surgit ici pour le généalogiste successoral, puisque le gérant d'affaire est assimilé à un quasi-mandataire, comme l'affirme l'article 1301 du Code civil. Dès lors, tout généalogiste qui se prévaut du régime de la gestion d'affaires doit se conformer, de manière à priori très contraignante, aux dispositions applicables au contrat de mandat (articles 1984 et suivants du Code civil). La gestion d'affaires étant un quasi-mandat, le gérant « contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever » selon les termes de l'ancien article 1372 du Code civil, comme le ferait un mandataire aux termes de l'article 1991 du Code civil (« Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé...»). Le gérant d'affaires ne peut donc pas suspendre brutalement sa gestion et la laisser inachevée aux dépens du maître, en préférant lui substituer le régime contractuel afin d'obtenir une rémunération.
Cette exigence entre en conformité avec l'article 1301-1 du Code civil qui dispose que le gérant d'affaire « doit poursuivre la gestion jusqu’à ce que le maître de l’affaire (...) soit en mesure d’y pourvoir ». Il en découle que si un gérant s'abstient volontairement de recueillir les instructions du maître, il ne peut pas non plus se prévaloir du régime de la gestion d'affaires.
Ainsi, le gérant a l'obligation de s'enquérir de l'avis du maître avant toute immixtion dans ses affaires, dès lors qu'il est prouvé qu'il était en mesure de le faire (voir Cass.com., 8 juin 1968 ; JCP 1969, II, 15724).
Un généalogiste qui suspendrait sa gestion ou qui s'abstiendrait de solliciter les instructions des héritiers retrouvés, en préférant s'engager sur le registre contractuel avec la proposition de son « contrat de révélation de succession », en vue de s'assurer des honoraires, prendrait ainsi le risque de contrevenir aux obligations du quasi-mandataire.
En tout état de cause, le gérant d'affaire répond, comme le mandataire, « non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion » (article 1992 du Code civil) et « est tenu de rendre compte de sa gestion » (article 1993), ce qui ne pourrait être le cas d'un généalogiste intervenant dans l'affaire de l'héritier en prenant l'apparence d'un cocontractant en vue d'obtenir une rémunération en lieu et place d'une indemnisation.
Enfin, le gérant/quasi-mandataire doit gérer les affaires de son maître sans tirer de sa gestion aucun bénéfice (article 1996), ce qui exclut assez naturellement toute prétention à rémunération du généalogiste.
Pour autant, dans les contentieux généalogistes successoraux/héritiers, les juridictions s'en tiennent au seul critère de l'utilité de l'intervention (également exigé à l'article 1301 du Code civil), bien que celle-ci soit superflue dans la mesure où la gestion n'apparaît ni volontaire, ni spontanée.
III. A- 3) Une caractérisation de la gestion d'affaires limitée à la seule utilité de l'intervention
En effet, de manière très singulière, toutes ces questions relatives à la spontanéité de l'intervention sont quasi-systématiquement éludées par la jurisprudence au profit du seul critère du caractère utile de l'intervention du généalogiste, considéré donc comme nécessaire et suffisant.
Les juges l'expriment généralement par cette pétition de principe :
« en l'absence de contrat, le généalogiste, qui, par son activité professionnelle, découvre l'héritier d'une succession, ne peut prétendre à une rémunération de ses travaux, sur le fondement de la gestion d'affaires, que s'il démontre l'utilité de son intervention pour l'héritier » (CA Paris, 26 Mai 2010, n°09/02452).
Dès lors, le critère de spontanéité, exigé pour caractériser une gestion d'affaires, semble ici présumé : l'intervention d'un généalogiste est réputée spontanée et volontaire par les juges du fond sans que ceux-ci ne procèdent à aucune vérification factuelle. Ainsi, dans une décision récente, les juges déboutent un généalogiste de ses prétentions à l'encontre d'une association caritative, reconnue légataire universel, non pas parce que les conditions de la gestion d'affaires n'étaient aucunement établies, mais parce que l'utilité de son intervention n'était pas démontrée (TJ Paris, 6 février 2024, n°20/07451).
Ce parti-pris systématique conduit parfois à des décisions trop précipitées : dans le cas du jugement du TJ Lyon, 18 mai 2020, n°11-19-003110, une héritière se voyait ainsi condamnée à indemniser le généalogiste sans que quiconque n'ait pris le soin de vérifier que celle-ci avait déjà officiellement renoncé à la succession. Assurément, l'intervention d'un généalogiste peut alors difficilement apparaître comme utile à l'ayant droit refusant d'hériter (l'action intentée par le professionnel pouvant en revanche revêtir un caractère abusif au sens de l'article 32-1 du Code de procédure civile).
Dans ces décisions, l'utilité de l'intervention du généalogiste successoral est souvent elle-même présumée dès lors qu'un notaire estime nécessaire de faire appel à ce sous-traitant pour la recherche d'héritiers inconnus de lui. De telle sorte que, dans le contentieux qui oppose les généalogistes et les héritiers, il va souvent s'agir pour ces derniers d'être en mesure de prouver l'inutilité de l'intervention du professionnel de la généalogie, dans ce qui peut apparaître comme une inversion de la charge de la preuve (voir par exemple l'arrêt CA Montpellier, 18 décembre 2019, n°16/05751 : « le recours d'un officier ministériel à une étude de généalogie laisse présumer de l'utilité de l'intervention de ce généalogiste »).
Dans l'arrêt CA Saint-Denis de la Réunion, 15 décembre 2023, n°21/01516, un héritier parvient à convaincre les juges du fond, à l'appui de témoignages favorables, qu'il avait connaissance de l'existence de la défunte et qu'il entretenait même des liens étroits avec celle-ci. Les juridictions fonderont parfois leur décisions à partir de correspondances écrites, de photos de familles ou même de factures de restaurant dans le cadre d'un repas de famille (voir à cet égard l'arrêt CA Poitiers, 10 mai 2022, n°20/01925), pour conclure à l'inutilité de la gestion d'affaires dont se prévaut le généalogiste.
La jurisprudence estime ainsi que, sauf à exposer tout document se rapportant à la qualité des relations entretenues du vivant du défunt, l'utilité de la gestion du généalogiste est suffisamment établie lorsque les héritiers retrouvés obtiennent leur part successoral, alors même que celle-ci est en réalité acquise de plein droit.
En effet, ce critère d'utilité peut difficilement s'évaluer du point de vue des héritiers, tiers au rapport de droit liant le notaire au généalogiste (voir I. B) : si le travail de ce dernier a été utile, il l'est exclusivement pour l'officier ministériel qui l'a missionné dans ce but et qui se trouve statutairement dans l'obligation de régler, dans les délais les plus brefs, la succession dont il a la charge, et à ce titre, de rechercher ses clients.
Dans le cas contraire, ce serait ignorer que l'héritier puise son enrichissement dans les règles qui gouvernent la dévolution successorale, indépendamment de l'intervention d'un généalogiste ou de tout autre prestataire extérieur.
Certes, l'utilité supposée des actes accomplis dans le cadre d'une gestion d'affaires doit s'apprécier au moment où les actes sont accomplis, peu important que l'utilité ait disparu ensuite au moment de l'indemnisation. Pour autant, à aucun moment la qualité d'héritier ne peut faire l'objet d'un secret monnayable, ou d'un bénéfice auquel le généalogiste peut se prétendre l'inventeur : au contraire, il s'agit d'un droit établi dès le décès du cujus dont l'héritier continue la personne juridique (cette interprétation découlant, on l'a vu, de l'article 724 du Code civil).
Au regard de l'état du droit successoral français, il semble ainsi peu pertinent de reconnaître au professionnel de la généalogie la prétention de créer la qualité d'héritier d'un ayant droit.
Il ne peut s'agir davantage de la restitution d'un « avantage immérité », pour reprendre les termes du professeur Le Tourneau, puisque, à l'ouverture de la succession, la propriété s’acquiert de plein droit.
Cela étant dit, même dans les décisions les plus défavorables au généalogiste, l'utilité présumée de son intervention ne sera que très rarement remise en cause.
Dans un arrêt CA Nîmes, 20 mai 2021, n°20/00527, le généalogiste est débouté de toutes ses prétentions, non au motif de l'inutilité de sa gestion mais parce qu'il ne produit « aucun élément permettant de quantifier précisément les dépenses et les pertes alléguées ».
B- L'impossibilité d'une rémunération au titre de la gestion d'affaires
Si la jurisprudence ne semble pas encore encline à modifier sa lecture controversée de l'institution de la gestion d'affaires au profit du généalogiste successoral, il n'est en revanche plus possible pour ce dernier d'en tirer une quelconque rémunération, à la suite de plusieurs arrêts rendus récemment par la Première Chambre civile (1). Le cas échéant, le professionnel de la généalogie doit en outre être en mesure d'exposer les justificatifs de ses frais et débours sauf à risquer d'être débouté de toutes ses demandes d'indemnisation (2).
III. B- 1) Un revirement jurisprudentiel excluant la rémunération du gérant d'affaire
En vertu de l'article 1301-2 du Code civil, le maître de l'affaire « rembourse au gérant les dépenses faites dans son intérêt et l'indemnise des dommages qu'il a subis en raison de sa gestion ». L'article 1375 ancien disposait quant à lui que « Le maître dont l'affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites ».
Jusqu'à très récemment, et en contradiction avec ces dispositions, la jurisprudence avait accordé aux généalogistes successoraux, non le remboursement de leurs frais et débours, mais bien l'application des effets recherchés dans le contrat de révélation de succession (que celui-ci soit refusé ou annulé par l'héritier), autrement dit l'octroi indu d'une rémunération ou d'honoraires non envisagés par la Loi. Ceci équivalait à valider une « pratique de vente forcée prohibée par l'article L 121-12 du code de la consommation » pour reprendre les termes de l'arrêt CA Agen, 27 novembre 2019, N°17/00746.
Ainsi, par exemple, l'arrêt de rejet Cass. civ.1, 1er avril 2015, n°14-11.008, formulait, non sans quelque ambiguïté, que « la cour d'appel a, par motifs propres (...), fixé le montant de la rémunération » du généalogiste « en fonction de ses débours utiles et nécessaires », en s'abstenant de constater que ce montant avait été fixé par les juges du fond à 10% de l'actif net revenant à l'héritière, de telle sorte que cette décision revenait, ni plus ni moins, à rémunérer le généalogiste « au vu de l'importance du service rendu » (à savoir la révélation de droits dans la succession, alors même que cette prestation avait été explicitement refusée par rejet du contrat de révélation...), et non à rembourser les frais et dépenses avancées selon les termes de l'ancien article 1375 du Code civil.
Or, un revirement de la Première chambre civile de la Cour de cassation est intervenu au moyen de deux décisions : l'arrêt du 29 mai 2019 confirmé par l'arrêt du 18 novembre 2020.
Selon l'arrêt Cass. civ.1, 29 mai 2019, n°18-16.999, « en cas de gestion d'affaires, l'article 1375 du code civil (...) n'accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites, mais non le paiement d'une rémunération, quand bien même il aurait agi à l'occasion de sa profession ».
Ainsi, un généalogiste qui parviendrait à convaincre de sa gestion d'affaires pourra difficilement réclamer à un héritier une rémunération fondée sur l'actif net revenant à ce dernier.
Au grand désarroi de la profession, cette décision sera confirmée quelques mois plus tard dans un arrêt Cass. civ.1, 18 novembre 2020, n°19-10.965 : « en cas de gestion d'affaires, l'article 1375 du code civil (...) n'accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites, mais non le paiement d'une rémunération, quand bien même il aurait agi à l'occasion de sa profession ».
Certes, quelques juridictions entendent encore attribuer des rémunérations aux généalogistes sur le fondement de la gestion d'affaires (CA Toulouse, 14 avril 2021, n°19/03009). Toutefois, un nombre grandissant de décisions semble plutôt s'aligner sur les arrêts de la Première chambre civile, ce qui génère une quatrième difficulté pour la profession puisqu'elle doit désormais envisager la possibilité de ne recevoir aucun subside.
Dans l'arrêt de la cour d'appel Nîmes du 20 mai 2021 mentionné plus haut, la cour relevait très justement que « les règles applicables à la gestion d'affaires ne visent que l'indemnisation des dépenses utiles et non la rémunération d'une prestation sur laquelle les parties ne s'étaient pas accordées. C'est donc vainement que l'appelant sollicite une indemnisation à partir de l'assiette de la succession », ce qui lui permet de conclure que le généalogiste « est mal fondé à solliciter l'allocation de la somme correspondant à 35 % HT des actifs nets reçus ou à recevoir dans la succession et ainsi réclamer une somme équivalente à celle à laquelle il aurait pu prétendre au titre du contrat » et de refuser logiquement d'inclure dans le calcul de cette indemnisation « les dépenses liées aux investissements et installations du généalogiste professionnel dans les dépenses faites dans l'intérêt du géré ainsi que les honoraires qu'il aurait pu percevoir en travaillant sur d'autres dossiers dans le dommage subi en raison de sa gestion ».
En effet, comme le soulignent les juges nîmois, « Sous couvert d'une indemnisation au titre de la gestion d'affaires, l'appelant entend ainsi obtenir le paiement de la rémunération dont il a été privé du fait de l'absence de signature du contrat de révélation de succession ».
Roger BOUT avait jadis mis en garde contre le risque d'insécurité juridique émanant d'une telle confusion entre rémunération et indemnisation, entretenue au nom de la recherche d'équité : « n'y a-t-il pas, ainsi, un réel danger à autoriser, sous le couvert de la gestion d'affaires du professionnel, l'immixtion intéressée dans les affaires d'autrui ? » (« Fasc. 10 : QUASI-CONTRATS », JCI, 4 Juin 2012).
III. B- 2) Le nécessaire exposé détaillé des frais utiles et nécessaires à l'intervention
Passé un peu plus inaperçu, un autre arrêt de la Première Chambre civile, rendu le 30 janvier 2019 (n°17-23.194), confirmait qu'un généalogiste se réclamant de l'institution de la gestion d'affaires, devra le cas échéant être capable de justifier et quantifier le montant de ses débours, à peine d'en obtenir aucun remboursement...
En l'espèce, la Première chambre civile se limitait à rejeter le pourvoi du généalogiste en l'absence de la fixation d'une indemnisation précisément chiffrée. En effet, le généalogiste « se bornait à solliciter, à titre de rémunération et d’indemnisation de ses frais, une somme forfaitaire, non chiffrée » (en l'espèce, le prélèvement de 35% de l'actif net revenant aux héritiers, en ce compris les éventuels capitaux d'assurance vie), « de sorte qu’il (...) était impossible [à la cour d'appel] d’apprécier si elle pouvait correspondre à des frais ou des dépenses utiles et nécessaires ».
Cet arrêt de la Première Chambre civile et les arrêts du 29 mai 2019 et du 18 novembre 2020 allaient avoir des conséquences immédiates sur le contentieux relatif à l'indemnisation du généalogiste au titre de la gestion d'affaires.
Ainsi, pour débouter le généalogiste de toute forme d'indemnisation, l'arrêt précédemment cité de la cour d'appel de Nîmes du 20 mai 2021 relevait que le professionnel s'abstenait « de justifier concrètement par des éléments objectifs du montant des dépenses engagées et du dommage subi ».
Dans une décision plus récente (Tribunal Judiciaire de Paris, 29 octobre 2024, n°21/14405), les juges du fond concluaient eux aussi que la demande d'indemnisation de l'étude généalogique, sur le fondement de la gestion d’affaires, ne pouvait pas prospérer, puisque cette dernière « ne développe aucune argumentation, ni ne produit aucune pièce pour justifier des diligences qu’elle a accomplies pour la recherche des héritiers ». Et ceci alors même que le tribunal admettait auparavant que l'intervention du professionnel avait été utile aux héritiers, sans même rechercher si celle-ci avait un caractère spontané.
A défaut de preuves justificatives de ses frais et débours, le généalogiste se voit donc exposé au risque toujours plus grand de ne recevoir aucune sorte d'indemnité.
Les professionnels de la généalogie successorale ne peuvent désormais plus exclure un revirement complet de la Première Chambre civile qui consisterait à rejeter toute possibilité pour un chasseur d'héritiers de recourir à une action en justice sur le fondement de la gestion d'affaires.
Traversée par une crise profonde de son modèle économique, la généalogie successorale ne pourra plus longtemps compter sur l'institution de la gestion d'affaires pour prétendre à des rémunérations équivalentes à celles qu'elle obtient depuis plusieurs décennies. Fragilisée par une jurisprudence qui lui est de moins en moins favorable et confrontée à des héritiers mieux informés de leurs droits, il sera difficile à la profession d'éviter une importante réforme interne coordonnée avec le notariat. La tendance actuelle des parlementaires (propositions de loi n°1784 du 20 mars 2019, n°2565 du 15 janvier 2020, n°3309 du 15 septembre 2020, n°700 du 4 juin 2025) visant à intégrer dans le droit commun les effets du tant contesté contrat de révélation de succession, ne semble donc pas la meilleure option pour garantir une meilleure sécurité juridique.
NB : Il est rappelé que les propos tenus dans tous les articles et les actualités du réseau demeurent sous la responsabilité de leurs auteurs.
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