Portrait d'Ahmed SOLIMAN, Chargé de mission auprès de la Rectrice déléguée pour l'Enseignement supérieur, la Recherche et l'Innovation
Revenons un peu en arrière sur votre parcours universitaire. Quelles sont les motivations à l’époque qui vous ont guidé d’abord vers le droit puis les sciences politiques puis la communication ?
Pour être honnête, en arrivant à l’université, je n’avais pas une idée très claire de ce que je voulais faire de ma vie et, sept ans plus tard, je ne prétends toujours pas l’avoir. Mais à l’époque, je me disais qu’il fallait bien commencer quelque part, et que comprendre le monde serait déjà un bon début.
Le droit m’attirait parce qu’il avait quelque chose de rassurant : c’est cadré, précis, sérieux. Et puis, dans ma tête de jeune étudiant idéaliste, devenir diplomate ou travailler à l’ONU semblait être une manière chic et utile de “changer le monde” sans trop savoir lequel ni comment, mais l’intention était là.
Sauf que j’ai rapidement compris que le droit privé, ses histoires de contrats et de successions, n’étaient pas exactement le grand théâtre de la transformation sociale que j’avais imaginé. J’avais besoin d’air, d’idées, de débats… bref, d’un peu plus de politique et un peu moins de jurisprudence.
Alors je suis allé voir du côté des sciences politiques, où j’ai découvert à quel point le monde était plus nuancé, parfois absurde, souvent passionnant. C’était le bon endroit pour apprendre à penser avec les autres, et pas seulement à raisonner seul.
Et puis, la communication n’a jamais vraiment été très loin. Dans un environnement pluriculturel comme celui où j’ai grandi, on apprend vite que les mots ne disent pas toujours la même chose selon qui les prononce. Alors oui, la communication s’est imposée presque naturellement. J’avais compris comment les décisions se prennent, je voulais comprendre comment elles se racontent. Comment on fait passer un message sans le trahir. Comment on donne du sens à ce qu’on fait, quand les mots finissent par compter autant que les actes.
En complément d’un riche parcours académique, vous vous êtes activement engagé dans la vie institutionnelle et étudiante de l’université : membre du Conseil d’Administration (élu étudiant), vacataire au sein du service de la Mission Orientation-Emploi, Président de l’association Assas.net, fondateur de l’association du Master Information et Communication parcours Médias et Mondialisation, pour ne citer que certains de vos nombreux engagements. Que retenez-vous de ces différentes expériences ?
Ce que j’en retiens, c’est tout ce qu’on n’apprend pas dans les amphis, la complexité du collectif, la gestion des contraintes, la diplomatie des couloirs et les compromis de dernière minute ; tout ce qui fait le sel de la vie universitaire, et qu’aucun cours ne dispense vraiment.
En m’engageant, j’ai découvert que derrière les sigles, les règlements et les procédures, il y a des personnes, qui essaient, tant bien que mal, de faire avancer les choses. Cette humanité-là, souvent discrète, m’a profondément marqué.
Certaines expériences ont particulièrement compté, avoir impulsé la première épicerie solidaire de l’université en pleine crise sanitaire, présidé une association de plus de cent membres sur deux campus, défendre la voix des étudiants ou encore animer une conférence avec Maître Robert Badinter. Chacune, à sa manière, m’a appris qu’on peut être utile sans tout maîtriser, et qu’une idée, même modeste, peut changer bien des choses lorsqu’elle est portée collectivement.
Avec le temps, j’ai compris que s’engager, c’est apprendre à faire avec les autres, à convaincre sans brusquer, à écouter sans se renier, à accepter enfin que le temps de l’institution n’avance jamais aussi vite que celui de l’étudiant. Le collectif reste exigeant, mais c’est aussi ce qu’il y a de plus vivant.
Et puis, il y a tout le reste : les imprévus, les mails oubliés, les listes déposées à la hâte, les réunions improvisées, les fous rires quand rien ne se passe comme prévu. Sur le moment, tout paraît un peu chaotique, parfois épuisant. Mais ce sont ces moments-là qu’on retient, ceux où tout semblait un peu désordonné mais terriblement vivant.
La vie universitaire, reste ces visages, ces discussions, ces idées qu’on lance sans trop y croire et qui finissent par prendre forme. Chaque projet, aussi modeste soit-il, m’a laissé un souvenir, une rencontre, ou ce petit sentiment d’avoir fait partie de quelque chose qui comptait.
Avec le recul, je crois que l’engagement, ce n’est pas de tout réussir. C’est de continuer à croire sincèrement qu’à plusieurs, on peut quand même faire quelque chose de bien.
Cet engagement constant en tant qu’étudiant dans la vie de votre université traduit-il votre intérêt, votre goût pour le monde de l’enseignement supérieur dans sa globalité ? A-t-il joué un rôle dans le poste que vous occupez actuellement au sein de la région académique Ile de France ? Si oui, de quelle manière ?
Oui, sans hésiter.
Au départ, mon engagement relevait surtout de la curiosité, j’avais envie de comprendre comment se décident les choses, comment une idée passe du principe à l’action. Et puis, au fil du temps, cette curiosité s’est transformée en véritable intérêt pour la manière dont les politiques publiques de l’enseignement supérieur prennent vie à travers des personnes, des contextes et des volontés souvent très différentes.
Avoir été un étudiant engagé m’aide beaucoup dans ce que je fais aujourd’hui, disons que ça m’a appris où les rouages coinçaient un peu. J’ai vu de près ce qui pouvait décourager un étudiant. Aujourd’hui, je ne travaille plus avec les étudiants, mais avec celles et ceux qui conçoivent les politiques qui les concernent, et cette double perspective m’est précieuse.
Chaque action que je coordonne part souvent de là, d’un manque observé, d’un besoin concret, parfois même d’un souvenir un peu frustrant. Alors, dans l’animation d’un réseau, l’organisation d’une conférence ou l’accompagnement d’un établissement, j’essaie de garder le même réflexe, agir avec les autres, pour que chaque projet trouve une utilité concrète. Si ce que je coordonne peut, d’une manière ou d’une autre, simplifier la vie de ceux qu’on accompagne, j’ai déjà le sentiment d’avoir été utile.
Travailler sur la vie étudiante, c’est prolonger cet engagement sous une autre forme, contribuer, avec d’autres, à rendre les politiques publiques plus concrètes, plus justes et, si possible, un peu plus humaines.
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